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Pierre Gindrat : l’Indo’ et la Légion à 17 ans

A 17 ans, Pierre Gindrat a quitté sa famille, Paris et la France pour s’engager dans la Légion étrangère, contre l’avis de ses parents. 1945 était déjà bien entamée. Mais ce gamin voulait aller combattre « Les Allemands en Allemagne ». Seulement le temps de s’engager et de suivre une formation militaire en Algérie, la guerre se terminait déjà… Un autre conflit se profilait : l’Indochine.

Pierre est volontaire. Il embarque pour l’Orient mystérieux !

En quelques phrases, il est impossible de comprendre ce qu’a vécu ce gamin, le déracinement d’un parigot qui, après 31 jours de mer, change de vie, d’univers, de siècle presque pour débarquer à Saïgon, Indochine. « C’était ma première fois hors de France. A 17 ans, ça fait quelque chose… » reconnaît-il.

« On entendait les tambours des Viets dans la jungle »

Pour essayer de visualiser le choc, il faut feuilleter le petit carnet de photos que cet ancien combattant a précieusement conservées. Des clichés en noir et blanc où l’on voit des rizières, des buffles, la jungle, des femmes asiatiques en costume traditionnel et bien sûr des légionnaires. « Là, c’est moi, à l’époque j’étais costaud »regrette presque ce grand-père de 85 ans.

Retour en 1945. Après Saïgon, Pierre fait route sur les bords du Mékong « pour des opérations de contrôle des marchés flottants. On cherchait des armes. On arraisonnait des bateaux ». Il sillonne l’Indochine au gré des ordres et va même à la frontière avec le Cambodge. « On intervenait à la dernière minute en fonction des informations que l’on avait du renseignement militaire. » Il se souvient surtout de ses missions de nuit. « On était aussi surveillé. Dans la jungle, on entendait le tambour des Vietcongs qui annonçait notre venue. C’était inquiétant, oppressant. Et quand on arrivait à l’endroit indiqué, bien entendu, il n’y avait plus personne ».. Pierre Gindrat ne souhaite pas trop évoquer les mauvais souvenirs, les copains blessés ou pire, et le reste… Tout juste lâche-t-il, énigmatique : Le Vietcong tue en rigolant ».l

Il nous confie que la Légion « nous formait pour ne pas nous faire tuer ». Là-bas, il a fait son métier. Il y était allé pour une opération de « pacification ». Au moment de rentrer en France, il a le « sentiment d’avoir fait son boulot ».

Il quitte l’Indochine et la Légion en 1947. Départ de Saïgon, 30 jours de mer et le port de Marseille en vue et « la Bonne Mère. C’était exceptionnel de voir ça ». Mais il n’y accostera pas… « Quand on est arrivé, il y avait du monde sur le quai avec des drapeaux rouges. C’était les dockers de la CGT. Ils refusaient de nous faire débarquer ».

Cet accueil a marqué Pierre Gindrat. Surtout que son bateau dû passer par Gibraltar pour aller débarquer les soldats à Cherbourg.

Après l’Indo, il reste à la Légion et demande Marseille comme affectation .Il quitte la famille en 1950, « avec un petit pécule, un costume et pas mal de frères d’armes.

Il reprend une vie civile à Marseille, puis dans le Nord de la France et enfin à Nice en 1974 .Il s’installe ensuite à Cagnes-sur-mer.

Pendant toutes ces années, il ne parlera pas de sa guerre en Indochine. « Je ne voulais plus entendre parler de l’armée à cause de l’accueil que j’ai eu à Marseille reconnaît Pierre Gindrat. Et puis il remarque que les « gens qui n’ont pas vécu ces événements ne comprennent pas. J’ai vécu des choses terribles que je ne peux pas raconter ».

Pourtant aujourd’hui, Pierre Gindrat fait partie des « piliers » cagnois des anciens combattants. Il a pris sa carte après avoir rencontré, un peu par hasard, une association cagnoise. « J’ai retrouvé l’état d’esprit de camaraderie que j’ai connu dans la Légion. C’est important pour moi».